Je suis cadre de santé, formateur dans un institut de formation en soins infirmiers à Marseille, formée à l’accompagnement professionnel. J’organise des formations en coaching dans le cadre de l’organisme de formation Parenthèse DPC. Depuis 4 années maintenant j’accompagne des professionnels de santé et des étudiants infirmiers dans leur processus de professionnalisation. Il s’agit de coaching professionnel. Le coaching c’est comme un KALEIDOS : il est le symbole du changement, une illustration concrète, symbolique de la façon dont on peut créer du nouveau par un simple agencement des choses, par un questionnement dans l’altérité : « échanger changer ». Chaque écart réflexif provoqué est une accélération du changement vers plus d’autonomie et d’émancipation.
A qui s’adresse ce dispositif ?
Ce coaching s’adresse à tous les professionnels soignants ou étudiants infirmiers dont le projet professionnel est celui de devenir « un praticien autonome, responsable et réflexif». « Soigner » l’autre est un métier de l’humain où se rencontrent un soignant et des personnes qui sont en nécessité d’apprendre et /ou de guérir.
Un travail sur soi pour mieux faire face aux enjeux du système de santé d’aujourd’hui : crispation économique, besoins de population évolutifs, avancées toujours plus complexes de la science et la technique, crise du sens au travail…
C’est dire combien ces temps de formation ou professionnels peuvent questionner, bousculer voire même provoquer un malaise identitaire. Nombreux sont les étudiants et professionnels du soin qui me font part de leurs problématiques sous l’angle du bien et du mal, de la violence, de la non reconnaissance, du juste et de l’injuste, de l’idéal et de ce qui est, de leur peur du changement… Et bien d’autres problématiques encore dans lesquelles ils se retrouvent englués, par lesquelles ils sont affectés… jusqu’à l’évanouissement du sens, jusqu’à être empêché d’agir. Souvent ce qu’ils expriment c’est un manque de la relation, la profession et la formation étant souvent ressenties sous l’angle de la science et de la rationalité.
Le coaching accompagne ce travail sur soi, ce travail postural, identitaire pour devenir compétent.
Quel est ce professionnel de l’accompagnement ?
Ce travail sur soi ne peut se faire seul ! Il se fait dans un étayage à l’autre, un professionnel du changement, spécialisé dans les métiers de l’humain – un coach dont l’engagement est celui d’être au service du potentiel créatif du coaché. Professionnelle de l’écoute, formée à l’accompagnement professionnel individuel à l’Université des Sciences de l’Education, je m’attache à instaurer à chaque séance un cadre structurant propice à la réflexion, au questionnement et à la mise en débat de sa pratique. Ce coaching se fait sous la forme d’entretien, dans un face à face ritualisé, bienveillant. Une attention particulière est portée à l’espace de rencontre.
En tant que coach, je suis soumise à des impératifs déontologiques :
- Je fais avec les attentes institutionnelles
- Je négocie la commande et fait travailler la demande
- Je travaille mon rapport au savoir, cultive mes soucis éthiques
- Je me réfère à la charte déontologique du site Réseauéval
- J’assure la fonction d’ami critique sans complaisance,
- Je contiens le cheminement et amène à la problématisation
- Je fais identifier les avancées produites
- Je fais le pari de l’autonomie et de la capacité créative de l’autre
Le dispositif d’accompagnement est co construit avec l’accompagné. Il est régulable et comprend trois phases : la rencontre, le cheminement et le retour sur les avancées. C’est au cours de la première rencontre, entretien préliminaire que je pose les règles de fonctionnement et précise la durée et le rythme de ce dispositif. Un contrat co-signé permet de formaliser cet accompagnement (choix du lieu, durée de l’intervention, durée et rythme des séances, du tarif…).
Le coaching, pour quoi faire ?
Il permet grâce à un travail de soi et sur soi de :
- Expérimenter la réflexivité, une condition pour la professionnalisation
- Faire le deuil de la maitrise, de la toute-puissance, de la totalité
«Faire le deuil, c’est reconnaitre les affects, accepter le désir, tout en sachant qu’il ne se réalisera pas mais que pourtant il demeure » (Fustier, P 2000, p. 135)
- Se dégager des répétitions, des imaginaires leurrant, trouver les ressources dans les contraintes
- Travailler la réciprocité, le lien social
- Vivre sans panique les difficultés, les remises en question, les incertitudes, l’imprévu
- S’inscrire dans une dynamique de compréhension de ce qui se joue pour soi, pour l’autre, se libérer du jugement dit « de valeur », mettre au jour les savoirs pratiques acquis
- Transformer la souffrance ressentie dans le travail, dans ce métier de l’humain en plaisir
- Libérer sa dynamique d’action, son pouvoir d’agir,
- S’inventer de nouveaux possibles : pas de choix irrémédiables, envisager, élargir le champ des possibles car le professionnel choisit sans cesse « sans rien renier» (E. Morin)
- Assumer son destin professionnel
Le coaching, une pratique d’accompagnement ?
Il s’agit d’une relation éducative qui vise l’émancipation du professionnel et le bien-être au travail. Le coaché est amené à reconsidérer sa vie professionnelle, sa manière de vivre et d’évoluer pour que son action s’inscrive dans un itinéraire du sens, pour que « les avatars devenus intelligibles se présentent comme conséquence d’une histoire et non comme effets d’un destin. » (Giust-Desprairie, 2003, p.28).
Dans mon action d’accompagnement, je fais beaucoup raconter, écrire sur le mode du récit. Alors, il pourra s’agir de récits de souffrance, de malheur mais parfois de joie, de réussite.
Pour le coaché, il s’agit de comprendre sa pratique, sa posture, ses enjeux pour gagner en lucidité, en autonomie et en responsabilité. Son système de références est mis au travail pour que change sa vision du monde, sa façon de voir les autres. Ce travail consiste à secouer, bousculer ses allants de soi, ses croyances, ses convictions avec lesquels le coaché fonctionne, à enrichir sa culture au service de son agir.
Je suis vigilante à émettre des paroles, des propositions, des questions qui fassent étayage, mais jamais n’abaissent ! Ainsi sont construites ensemble des perspectives qui feront sens pour lui. Le coaché est autorisé à penser de par lui-même sans craindre le jugement de valeur. Tout est occasion pour penser : un récit, un texte d’auteur, une citation, une métaphore… Il éprouve ainsi une certaine joie à être en capacité de pouvoir relier les choses, les évènements entre eux, à se sentir reconnu en tant que personne, sujet ayant un statut social.
Comment évaluer cette pratique professionnelle ?
« Evaluer sa pratique pour mieux la penser » nous dit Hadji et moi je rajouterai pour mieux la comprendre, se situer, s’orienter. En tant que professionnel, il s’agit là d’un impératif qui s’impose à tous ! Oui mais comment conduire une évaluation de cette pratique, de cette relation privilégiée, protégée par le sceau du secret ?
L’auto contrôle pour le coach est nécessaire : il veille à bien se situer dans la logique de l’accompagnement, de ne pas dériver dans la logique de contrôle en se repérant au référentiel comme une balise (référentiel d’activités de l’accompagnateur en ressources humaines). Mais cette dimension de l’évaluation n’est pas l’essentiel.
Le dispositif à privilégier pour évaluer le coaching est celui de l’analyse de la pratique dans la confrontation à ses pairs, dans la référence à un corps professionnel, à des savoirs en vue d’apprécier « régulièrement l’état courant et les actions conduites, pour, en retour, infléchir sur ces dernières, si nécessaire. » (THELOT, 1993). Ce travail d’évaluation questionnement permet de dégager des critères situationnels, de se constituer un répertoire de signaux décisionnels afin de s’orienter dans l’action et de développer l’intelligence des situations.
L’autre dispositif permettant au coach de s’inscrire dans un processus d’évaluation est celui de la supervision. La supervision professionnelle est indispensable dans ce métier parce qu’elle permet de prévenir les dérives auxquelles le coach peut être exposé. L’éthique est indissociable de l’évaluation auto-questionnement. L’éthique de la relation est un questionnement critique permanent de sa pratique, de sa posture. Elle s’apprend, se développe dans un étaiement à l’autre, par la rencontre avec l’autre : un superviseur professionnel.
CONCLUSION
Le coaching est un espace de confiance pour parler de l’action, sur l’action ; pour travailler son projet professionnel entre conformité et quête de singularité. C’est un étayage à l’autre qui impulse une professionnalisation dans la reliance, dans une reconnaissance mutuelle. Il est important de croire au potentiel créatif et réactif du sujet, à sa plasticité car faire grandir est toujours un possible. En tant que coach, je m’intéresse davantage à ce que l’autre peut devenir qu’à ce qu’il pourrait « expliquer » de ce qu’il est devenu.
Fatiha Mezi
Cadre formatrice IFSI
Formatrice DPC
Accompagnatrice professionnelle, coach-consultante